
Le Complexe Hospitalier Universitaire Pédiatrique de Bangui (CHUPB) est le seul hôpital pédiatrique de République centrafricaine. Des enfants de tout le pays viennent s’y faire soigner. Beaucoup y arrivent dans un état grave voire désespéré.
Le rôle du CHUPB est crucial pour lutter contre la mortalité infantile et juvénile qui affecte la République centrafricaine. Avec 110 décès dans les 5 premières années de l’enfant - pour 1000 naissances, elle est parmi les 3 pays au monde les plus affectés (OMS, 2019). Le paludisme, les maladies diarrhéiques, les infections respiratoires aigües et la malnutrition sont les principales causes de cette mortalité extrêmement élevée.
C’est pourquoi l’hôpital pédiatrique de Bangui est appuyé depuis 2018 par les ONG Médecins avec l’Afrique (CUAMM) et Action Contre la Faim (ACF) grâce à un financement du Fonds Bêkou, Fonds multibailleur créé par l’Union européenne pour soutenir la résilience de la République Centrafricaine.

K. est une petite fille de 7 mois victime de malnutrition. Sa maman explique les difficultés qu’elle rencontre au quotidien pour nourrir les 11 membres de sa famille « Nous habitons dans une petite chambre de la maison familiale et mon mari est un pêcheur qui ne me donne que 1000 FCFA par jour, pour aller au marché et faire le repas pour toute la famille. Il arrive des jours où il ne dispose de rien dans sa poche ; sa maman nous donne alors la même somme. La mère de mon mari nous trouve de la farine du manioc car elle cultive ; le jour où sa réserve est finie, elle ajoute 500 FCFA. Il nous arrive de ne manger qu’une seule fois par jour (…). Mon mari nous ramène des fois quelques petits poissons et vend tous les grands ».
La petite fille, très malade, a été dirigée vers le CHUPB par les médecins de l’hôpital régional où elle était allée se faire soigner : « Mon enfant a commencé par avoir de la diarrhée, je lui ai donné des décoctions, mais chaque jour la fréquence augmentait et j’ai eu peur. Je suis allée à l’hôpital de Bimbo, où elle a reçu des médicaments qu’elle a consommés pendant quelques jours, mais son état devenait de plus en plus grave. Ensuite, j’ai décidé de changer d’hôpital pour aller à Lakouanga, […] Les docteurs m’ont posé plusieurs questions après avoir pris le poids et la taille de mon enfant. Le docteur m’a regardé pour me dire que mon enfant est gravement malade et qu’il va me transférer au CHUPB, car ils ne peuvent pas traiter ma fille ici ».
Après un passage aux soins intensifs du CHUPB, K. se remet progressivement « Aujourd’hui à 7 jours de traitement, mon enfant a bien repris (elle joue, marche à quatre pattes). Si je n’étais pas arrivée ici, mon enfant allait mourir. »

La malnutrition est parfois liée à de mauvaises pratiques de soins comme en témoigne le cas de C., une petite fille de 7 ans qui est arrivée au CHUPB dans un état critique du fait d’une hospitalisation tardive. Elle était accompagnée de sa tante maternelle, mère de substitution. C. hurlait la nuit et ne mangeait pas, si bien que la tante, ignorant les signes de la malnutrition, craignait un envoutement. Elle a consulté plusieurs guérisseurs traditionnels jusqu’à ce que l’un d’entre eux lui dise d’amener son enfant à l’hôpital. Pendant ce temps, l’état de santé de C. s’était dégradé.
Comme l’explique David, l’un des chargés d’information, d’éducation et de communication (IEC) travaillant au sein de l’Unité Nutritionnelle Thérapeutique du CHUPB, de nombreuses croyances peuvent affecter les soins apportés aux enfants malades : « Souvent, des bénéficiaires privilégient le recours aux méthodes traditionnelles. Notre rôle est de donner des conseils et d’expliquer. Ils acceptent alors la prise en charge mais pour une minorité, ça bloque. Il faut amener la personne à comprendre pour qu’elle accepte la prise en charge ».
Au CHUPB, les parents des enfants malades sont très impliqués. Les chargés d’IEC profitent de leur présence pour mener des sensibilisations sur l’espacement des naissances, l’alimentation de la femme allaitante, l’hygiène corporelle… Les parents sont également sollicités pour participer à certains ateliers avec leur enfant. Ainsi, durant la phase de coma de K., sa tante a bénéficié d’une prise en charge individuelle sur 6 entretiens. Elle est ensuite venue dans l’espace Santé Mentale et Pratiques de Soins pour participer aux activités, notamment pour les ateliers de bains et massages. L’équipe lui a montré comment stimuler l’enfant doucement.
Le massage joue un rôle clé dans le lien parents et enfants car c’est un moment d’échange et d’apaisement ; un moment pour se reconnecter l’un à l’autre : « Le massage va favoriser le développement psychique et physique du bébé mais aussi détendre la mère » précise David. Il ajoute qu’il est important que les massages soient effectués par les accompagnants « pour qu’ils continuent à la maison », une fois rentrés chez eux.

Les parents des enfants sont souvent très inquiets de ne pas avoir l’argent nécessaire pour payer les soins. C’était le cas de la mère de la petite K. qui était désespérée quand elle a appris que sa fille devait être amenée sur Bangui pour bénéficier d’autres traitements : « L’infirmière m’a dit : ‘‘paie un taxi moto pour que je t’accompagne à la pédiatrie’’, je n’avais que 300 FCFA avec moi. (…) sans argent, je ne m’attendais pas à la survie de mon enfant ». Arrivée au CHUPB, elle apprend soulagée que les soins sont totalement gratuits.
En effet, grâce au soutien du Fonds Bêkou, les ONG Médecins avec l’Afrique et Action Contre la Faim peuvent fournir gratuitement aux enfants des soins de santé de qualité et lutter contre la malnutrition.
Les résultats obtenus depuis le lancement du projet à l’été 2018 sont significatifs :
- 163 015 enfants sont venus consulter
- 61 715 enfants ont été hospitalisés
- Le taux de mortalité a diminué de 5,8 % en 2018 à 5,2 % en 2019 et à 4,9 % entre janvier et octobre 2020
- 232 étudiants et 290 staffs qualifiés du CHUPB ont bénéficié de formations théoriques et pratiques.
Cet appui au CHUPB s’inscrit dans le soutien plus large du Fonds Bêkou au secteur de la santé. Depuis sa création en 2014, il a mobilisé plus de 110 millions d’euros pour ce secteur et grâce à lui 40% de la population centrafricaine a accès aux soins de santé de base.