Dans les 5 dernières années, l’ONG Cordaid a soutenu 56 formations sanitaires (FOSA) dans trois districts sanitaires (Bossangoa, Bangassou et Ouango-Gambo) grâce au soutien financier du Fonds Bêkou.
Créé par l’Union européenne pour soutenir la résilience de la République centrafricaine, ce fonds multibailleur est un acteur majeur du secteur de la santé dans le pays. Depuis sa création en 2014, il a mobilisé - à travers une vingtaine de projets - plus de 100 millions d’euros pour soutenir l’ensemble de la pyramide sanitaire. Grâce à lui, 40% de la population centrafricaine a accès aux soins de santé de base.
Le financement reçu a d’abord permis à Cordaid de réhabiliter les infrastructures des formations sanitaires, de renforcer les performances de leurs personnels de santé et d’améliorer l’approvisionnement en médicaments. Depuis le lancement de la 3e phase en 2018, l’objectif principal de l’ONG est d’améliorer la qualité des soins dispensés dans les 56 FOSA qu’elle appuie.
André Zra, coordinateur du projet se remémore les premières années d’intervention : « l’impact du conflit était tel que de nombreuses formations sanitaires en dehors des grandes villes n’étaient plus opérationnelles. Nombre d’entre elles étaient abandonnées, pillées, détruites. Notre première tâche a été de les reconstruire et de les équiper. »
Dieudonné Makelele, président du Comité de Gestion de l’hôpital de Ouango se réjouit des changements opérés : « Dans cet hôpital de district avant tous les patients étaient hospitalisés dans l’unique pavillon (maternité, médecine, pédiatrie et chirurgie) que nous avions, sans distinction de sexe et d’âge. Avec la venue du projet, nous avons bénéficié d’une maternité, nous avons construit une salle d’accueil et d’orientation (…) et nous avons démarré les travaux de la clôture de l’hôpital pour la sécurisation des malades et personnels.»
Après la réhabilitation des infrastructures, il a fallu se concentrer sur le personnel de santé. Selon André Zra, « trouver et conserver un personnel de qualité dans les zones rurales est extrêmement difficile. Il ne faut pas oublier qu’au début du projet, le personnel présent dans les formations sanitaires manquait de qualifications et de moyens.Nous avons formé les équipes présentes et aussi essayé d’attirer de nouveaux personnels. »
Bienvenu Narcisse Alingou responsable du service malnutrition de l’hôpital de Ouango confirme : « Nous recevons mensuellement nos salaires et nos primes ce qui m’a permis d’acheter un vélo afin de me rendre plus vite au travail. J’ai acheté aussi un terrain pour élever des cochons ».
Un autre enjeu résidait dans l’approvisionnement en médicaments « la route entre Bangui et Bangassou était dangereuse pendant toute la période de conflit. On a dû acheminer les médicaments par voie aérienne ce qui a exigé beaucoup d’efforts et de temps. » explique André Zra. Il se réjouit que « désormais, il est rare que les formations de santé souffrent de pénurie. En fait, notre stock central à Bangui nous a même permis de faire face aux retards de livraison liées à la pandémie de COVID-19. Même pendant le confinement, avec les laisser-passer, nous avons été en mesure de distribuer les médicaments aux formations sanitaires. ».
« A Bossangoa, la couverture médicale a augmenté. Elle est désormais de 99% » énonce André Zra « Cela veut dire que quasiment toutes les personnes habitant dans les zones de santé des 27 formations sanitaires que nous soutenons ont un accès aux soins ». André Zra ajoute : « Comme les soins de santé sont gratuits pour les femmes enceintes, des femmes qui ne dépendent pas de nos zones de santé se rendent dans nos formations sanitaires ; il y a même quelques femmes du Congo voisin. »
Alice Gboma, une jeune femme enceinte de son 3e enfant, témoigne de ces changements et de leurs bénéfices pour les communautés : « Pendant mes deux dernières grossesses, je n’ai pas bénéficié des services de consultation prénatale (CPN). Lorsque les jeunes de mon quartier ont informé mon mari que les choses ont changé à l’hôpital et que nous, les femmes enceintes, pouvons consulter et avoir des médicaments sans frais, j’ai décidé d’aller voir. Les femmes qui m’ont reçue était très aimables avec moi et m’ont donné beaucoup de conseils sur ma grossesse. Je ne manque jamais mes rendez-vous ! »
Les résultats obtenus depuis le lancement du projet sont sans appel : plus de 1.2 millions de consultations, 37 600 enfants vaccinés, 52 800 accouchements réalisés… le taux de mortalité à l’accouchement a réduit significativement : « Dans les deux dernières années, 3 femmes sont mortes des suites de leur accouchement dans le district de Bangassou. C’est 3 de trop, mais c’est aussi beaucoup moins que ce que l’on voyait avant » confirme André Zra.
En 2008, l’ONG a démarré à Bouar un projet pilote autour d’un « financement basé sur les résultats ». Cette approche consiste à payer les formations sanitaires en fonction des résultats obtenus : elles reçoivent un forfait pour les vaccinations, les accouchements, les consultations prénatales… Elles ont également des fonds pour investir ; avec ceux-ci, elles choisissent souvent d’acheter des véhicules et de l’équipement médical.
Ce financement se base sur la collecte de nombreuses données. Ces informations sont vérifiées pour éviter des fraudes. Elles sont partagées avec les autorités centrafricaines et se révèlent très utiles pour les guider dans la formulation et le pilotage de la politique de santé. « Aujourd’hui, il existe beaucoup de systèmes d’information. Ils ne sont pas encore complètement intégrés et connectés mais ce sont des premiers pas dans la bonne direction ! » explique André Zra.
Ce projet pilote de « financement basé sur les résultats » a été progressivement étendu à un plus grand nombre de formations sanitaires. Et devant les bons résultats obtenus, le gouvernement centrafricain en a fait une politique nationale.