Selon les statistiques du système de gestion de l’information sur les violences basées sur le genre (VBG), 17 831 personnes ont été victimes de VBG en République centrafricaine entre janvier et septembre 2022. En moyenne, trois personnes sont victimes de VBG toutes les heures, principalement de violences sexuelles.
Le projet GENRE III financé par le Fonds Bêkou s’attache à apporter une assistance holistique aux survivantes de VBG et aux femmes et personnes vulnérables aux VBG. Cette assistance inclut une assistance psychosociale qui peut s’accompagner d’une assistance juridique ou médicale, selon les besoins des survivantes.
Tatiana, qui est bénévole en tant que point focal protection pour le Réseau des Psychologues en Centrafrique (REPCA), explique : « Le weekend je travaille comme coiffeuse, mais pendant la semaine j’exerce mon rôle de bénévole en tant que point focal protection. Je donne toute ma force car je suis très contente de pouvoir aider les femmes survivantes de violences basées sur le genre (VBG) ». Tatiana fait de la sensibilisation sur les services proposés par l’ONG REPCA et oriente les survivantes vers les assistantes psychosociales pour faciliter leur prise en charge.
En 2015, trois hommes armés violent Alice*, en présence de son mari au quartier Kokoro IV, dans le 3ème arrondissement de Bangui. Quelques semaines plus tard, son mari l’abandonne avec ses deux filles prétextant qu’il ne peut pas vivre avec une femme violée et qui fait l’objet de la risée des voisins. « C’est avec les larmes aux yeux que je suis retournée au domicile de mon père au quartier Gbatouli, dans le 3ème arrondissement de Bangui », raconte la jeune femme.
En avril 2022, elle rencontre Tatiana, point focal protection de l’ONG REPCA. Une fois que les survivantes comme Alice se présentent auprès de l’ONG, elles sont reçues par une assistante psychosociale qui leur offrent les premiers secours psychologiques et des informations sur les services de prise en charge disponibles. Par ailleurs elles leur expliquent les modalités d’accompagnement et si elles sont consentantes, elles sont enrôlées dans le processus de gestion de cas. En plus de l’assistance psychosociale et des services d’appui à l’autonomisation socioéconomique fournis directement au Centre d’écoute, l’ONG peut offrir aux survivantes de VGB une assistance juridique ou médicale, selon leurs besoins, par le bais des référencements adressés à des partenaires externes. L’hébergement d’urgence et temporaire est également possible grâce à la Maison Sécurisée d’un autre partenaire du projet (Les Flamboyants). L’objectif de cette prise en charge est d’assurer la protection des survivantes et d’amener ces femmes à guérir du traumatisme vécu ou recouvrer un équilibre émotionnel.
Comme Alice, de nombreuses survivantes de VBG bénéficient de la prise en charge assurée par le REPCA. Depuis le lancement du projet « Les filles et femmes créent le futur » en avril 2022, cette ONG reçoit en moyenne une vingtaine de femmes et filles par jour. « Notre principal objectif est d’aider ces femmes à retrouver leur dignité perdue », souligne la coordonnatrice du REPCA Flore-Paterne Yazo-Ngbongo.
Une prise en charge globale pour assurer l’autonomisation socioéconomique des survivantes de VBG et femmes vulnérables
En outre, le projet cherche aussi à permettre l’autonomisation socioéconomique des survivantes et personnes vulnérables aux VBG par le biais de formations, de séances d’alphabétisation, d’appui économique rapide, d’un appui pour lancer une activité génératrice de revenus, etc.
Alice a ainsi reçu un sac d’ignames et trois régimes de bananes. L’argent tiré de la vente de ces produits lui a permis de se lancer dans le commerce de la bouillie, un plat très prisé des habitants de Bangui. « C’est désormais ma seule source de revenus, le seul moyen de sortir de mon état de dénuement », témoigne-t-elle.
Sarah, âgée de 51 ans, a été maltraitée et abandonnée par son conjoint et a également perdu sa somme d'argent, soit 300 000 FCFA (environ 458 €). Elle a donc emménagé chez son grand frère dans le quartier Kolongbo II, car elle n'avait plus les moyens de payer son loyer.
En avril 2022, Sarah a rencontré Justine, une bénévole de l'ONG SOS Humanité en détresse, qui informait la population du quartier sur les différentes aides destinées aux survivantes de VBG. Les activités menées par cette ONG, également financées par le Fonds Bêkou dans le cadre du projet GENRE III, sont similaires à celles de l'ONG REPCA.
Après un entretien avec les assistantes psychosociales, Sarah a bénéficié d'un soutien psychologique, puis en décembre 2022, elle a reçu un appui économique rapide d'un montant de 20 000 FCFA (environ 30 €).
Avec cet argent, elle a acheté des produits alimentaires, tels que du poisson fumé, du sel, de l'oignon, de la cossette et de l'huile, qu'elle a revendus dans le quartier de Ko Longo II.
Sarah se réjouit : « Je gagne en moyenne un bénéfice de 1 000 FCFA (environ 1,5 €) par jour. Cet argent me permet de subvenir aux besoins de mes enfants. » La jeune femme ambitieuse annonce également : « Mon projet, c'est d'intégrer un groupe de tontine pour ainsi accroître mon capital ».
Pour Justine et ses collègues, c'est une grande satisfaction de voir les femmes devenir autonomes. Lorsqu’elles atteignent un niveau d’indépendance suffisant, ces femmes deviennent des porte-paroles du projet et contribuent à susciter de l’engouement des groupes cibles pour un recours aux services proposés.
*Les prénoms des survivantes de VBG ont été changés dans cet article par mesure de protection.
A propos du projet GENRE III
Le projet GENRE III est mis en œuvre par un consortium de quatre ONG internationales (IRC, IMC, DRC et HI) mené par IRC, avec l’appui de huit ONG locales (ONG Les Flamboyants, Association des Femmes Juristes de la Centrafrique – AFJC, Unité Mixte d’Intervention Rapide et Rapprochée – UMIRR, Genre, Paix et Développement – GEPAD, Association des Femmes pour l’Entreprenariat – AFPE, SOS Humanité en Détresse – SOS, Réseau des Psychologues en Centrafrique – REPCA, La Main des Sourds Muets, Organisation Nationale des Associations des Personnes Handicapées – ONAPHA).
Partenaires: IRC (+ IMC, DRC, HI)
Budget: €6.100.100 (Bêkou)
Durée: 23 juin 2021 - 24 juin 2024